bipolaires64.blog4ever.com

BIPOLAIRES 64/40

Le diagnostic reste compliqué ...

Le diagnostic des troubles bipolaires reste compliqué

Sciences et avenir septembre 2019

 

Pourra-t-on un jour, en moins d'une heure, diagnostiquer un trouble bipolaire (TBP) ? Sera-t-il possible de repérer les patients les plus à risque ? Voilà deux objectifs que les chercheurs se sont fixés pour tenter de mettre fin aux très éprouvantes "montagnes russes" des émotions et de l'humeur dressées par cette pathologie classée 6e cause de handicap par l'Organisation mondiale de la santé (OMS).

Une détection des troubles dans l'oreille interne ?

Plusieurs équipes internationales s'intéressent en effet à la piste de la prédiction pour détecter ces épisodes "maniaco-dépressifs" - tels qu'ils ont longtemps été nommés - qui font alterner des phases d'excitation et de dépression, entraînant pour les patients des parcours de vie chaotiques se terminant souvent par un suicide. L'université du Manitoba (Canada) a ainsi publié cette année dans World Journal of Biological Psychiatry une étude remarquée. L'équipe du Dr Brian Lithgow explorait les troubles de l'équilibre chez des patients atteints de la maladie de Parkinson quand elle a fait - par hasard - une découverte étonnante : l'activité nerveuse du système vestibulaire, une zone impliquée dans l'apparition des vertiges, se révèle très différente selon que les participants sont atteints de troubles bipolaires (bipolarité) ou de dépression. De quoi donner un peu d'espoir aux psychiatres qui, pour l'heure, ne disposent d'aucun examen pour repérer ces troubles, que ce soit par imagerie ou par prélèvement biologique…

 

Se pourrait-il que des marqueurs de la maladie puissent être détectés en moins d’une heure dans l’oreille interne ? Pour en avoir le cœur net, l’équipe canadienne souhaite lancer un essai clinique auprès de 300 volontaires. D’autres recherches sont en cours à l’université de Géorgie (États- Unis), où Vince Calhoun, l’un des experts mondiaux en imagerie cérébrale, vient de recevoir une très généreuse dotation de 4 millions de dollars, versée par l’Institut national de la santé mentale (NIH). Son but : mettre au point des algorithmes intégrant les données radiologiques et génétiques des patients pour diagnostiquer plus précocement les TBP mais aussi la schizophrénie. Mais les premiers résultats ne seront pas disponibles avant plusieurs années. Enfin, une étude de l’Université fédérale Fluminense, à Rio de Janeiro (Brésil), vient d’être publiée dans Biological Psychiatry : elle montre que des clichés obtenus par imagerie par résonance magnétique (IRM) sur des patients bipolaires mettent en évidence une hyperactivation d’une zone cérébrale (cortex préfrontal ventro-latéral) en lien avec des formes graves de TBP. Ce qui devrait permettre à terme de "repérer" les patients les plus sévèrement atteints, autrement dit les plus à risque d’attenter à leurs jours.

Dix ans en moyenne avant la pose du diagnostic

Pour l’heure, en attendant la concrétisation de ces recherches, le diagnostic de TBP ne repose que sur un simple "face à face" entre le patient et le psychiatre. Conséquence : il s’écoule dix ans en moyenne avant que le diagnostic ne soit posé, selon une étude menée auprès de 500 patients d’Île-de-France par le Dr Bruno Etain, psychiatre à l’hôpital Henri-Mondor de Créteil (Valde- Marne). Ensuite, les traitements prescrits sont souvent inadéquats car la maladie est complexe, en raison de causes à la fois génétiques et psychosociales. Il existe en effet plusieurs types de TBP, dont deux principaux. Le premier est défini par la présence au moins d’un état dit maniaque : une grande agitation, un débit verbal rapide, etc. Le diagnostic, souvent réalisé en urgence, est facilité. Ce qui n’est pas le cas du type 2. Celui-ci se caractérise par la présence d’au moins un état dit hypomaniaque, avec une moindre agitation et aussi l’apparition de plusieurs épisodes dépressifs. Ces symptômes sont alors peu repérables dans une société qui valorise la performance, et la plupart des patients ne viennent pas consulter lors de ces phases hypomaniaques durant lesquelles ils se sentent très en forme. "Dans ces moments-là, nous sommes un peu les rois du pétrole ! ", souligne Annie Labbé, présidente d’Argos 2001, une association de patients bipolaires. Résultat : ces personnes consultent un psychiatre uniquement au moment des "creux", qui leur prescrit donc… des antidépresseurs.

 

"Nous estimons ainsi que 40 % des dépressions diagnostiquées seraient en fait des TBP", regrette le Dr Jean-Pierre Guichard, psychiatre à la clinique La Nouvelle Héloïse à Montmorency (Vald’Oise). Or, la distinction entre les deux troubles - dépression et TBP - est essentielle. Les antidépresseurs n’ont aucun effet sur une personne souffrant de TBP. Pis : la prise d’un tel traitement peut produire ce que les psychiatres appellent un "virage maniaque", une décompensation qui se traduit par un état de grande agitation. Unique solution pour stabiliser l’humeur sur le long terme d’une personne bipolaire : le recours au lithium, associé à certains anticonvulsivants ou à des antipsychotiques dits atypiques. En revanche, si aucun traitement adapté n’est proposé, la maladie évolue "en roue libre", avec ses excès et risques de passage à l’acte pour le patient. C’est ainsi qu’Annie Labbé a dû patienter… près de trente ans avant d’obtenir un traitement adéquat. "Mais la prise en charge des TBP ne repose pas que sur la chimie, précise-t-elle. Il faut aussi s’appuyer sur les psychothérapies et les méthodes d’éducation thérapeutique, dites psycho-éducatives". En pratique, il s’agit de modules d’accompagnement personnalisé proposés dans la plupart des services d’hospitalisation permettant au patient de devenir "acteur" de sa maladie. Celui-ci y apprend à repérer les signes avant-coureurs de rechute, à tenter d’amortir au mieux les changements d’humeur. Il reçoit également des conseils d’hygiène de vie, essentiels aussi pour prévenir les récidives, comme des horaires de lever et de coucher réguliers ou l’absence de prises d’excitants.

Des complications cardiovasculaires plus fréquentes

"Il n’en reste pas moins qu’une prise en charge plus globale et somatique est urgente", poursuit Anne Labbé. Des études récentes ont en effet montré que les complications cardio-vasculaires étaient deux fois plus fréquentes chez les personnes souffrant de TBP que dans la population générale, sans que ce lien soit pour l’heure expliqué. "Or, plus des deux tiers des patients bipolaires ne reçoivent pas de traitement adéquat pour les pathologies associées au syndrome métabolique", indique Ophélia Godin, épidémiologiste, sur le site de la Fondation FondaMental. Soit le diabète de type 2, l’obésité, les maladies cardio-vasculaires… D’où la nécessité de mieux diagnostiquer les TBP mais aussi de sensibiliser les médecins au dépistage systématique des anomalies biologiques (diabète, cholestérol…). L’espérance de vie de ces patients est en effet de dix ans en moyenne inférieure à celle de la population générale.

 



08/02/2020
0 Poster un commentaire

A découvrir aussi


Ces blogs de Santé & Bien-être pourraient vous intéresser

Inscrivez-vous au site

Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour

Rejoignez les 162 autres membres