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BIPOLAIRES 64/40

Comment les bipolaires vivent leur maladie ?

Par Vincent Olivier, publié le 03/04/2014

in L'EXPRESS

Si certains bipolaires n'hésitent pas à parler de leur maladie à leur proches ou dans leur travail, nombre d'entre eux préfèrent rester discrets. Car dans l'esprit du grand public, cette maladie reste encore très stigmatisée.

Laurent, Marie, Grégoire: ils sont tous les trois bipolaires et ils racontent leur quotidien au jour le jour. Entre épisodes dépressifs et phases maniaques, les relations avec la famille et les amis ne sont pas toujours simples...

Laurent Davenson: "Mes meilleurs alliés sont mes proches et ma famille"

Cadre commercial dans une société de services, Laurent, 43 ans, divorcé ("à 50%" à cause de sa maladie), avec trois filles de 18, 15 et 10 ans en garde alternée, parle de sa bipolarité comme d'une "espèce de poison que j'ai dans le corps... Je la compare souvent à un diabète - les outils de mesure en moins - car il faut vivre avec en permanence, et on se sent très mal si on n'est pas correctement équilibré avec des médicaments.  

 

Tout a commencé quand j'avais 24 ans, avec une première dépression alors que j'étais à l'étranger. A l'époque, elle était passée relativement inaperçue. Puis, après avoir perdu deux fois mon travail toujours pour dépression, je suis allé voir mon médecin traitant qui m'a orienté vers un psy. C'est lui qui a diagnostiqué une bipolarité, il y a 15 ans. 

 

C'est difficile de décrire les phases "Up" à quelqu'un qui n'en a jamais vécues. On dort trois heures par nuit, on a 15 projets dans la tête en même temps. Dans le meilleur des cas, on est hyper efficace au boulot, hyper séduisant dans la vie privée, hyper performant dans la vie quotidienne - j'ai, par exemple, organisé un grand week-end à Istanbul pour 30 copains, réservé les chambres et même appelé le directeur commercial d'Air France pour avoir des tarifs spéciaux! 



Mais j'ai fait aussi des choses moins glorieuses... Comme acheter des voitures de collection sans en avoir les moyens, dépenser inconsidérément mon argent, épuiser mes amis. Un jour j'ai même écrit à mon psy en lui expliquant que je n'étais pas malade et que mes proches étaient d'accord avec moi! Il m'a pris au mot et proposé de venir à son cabinet avec une personne de confiance - ce que j'ai fait. Ce n'est qu'arrivé chez lui (avec ma soeur) que j'ai réalisé que quelque chose n'allait pas. Et pourtant, j'étais sous traitement! 

 

Certains bipolaires parlent de" jouissance" quand ils sont ainsi en phase "Up". C'est en partie vrai, mais il y a également de la souffrance. Et aussi une tension intérieure permanente. Car il faut, en permanence, essayer de se contrôler, ce qui exige une énergie folle. Heureusement, ma famille et mes proches ne m'ont jamais lâché. Ce sont eux mes meilleurs alliés. Et puis, il y a aussi la spiritualité: le seul endroit où je ne suis plus en tension, c'est dans une église. Mon psy m'a d'ailleurs dit un jour: "Cette spiritualité vous maintient en équilibre. Grâce à elle, vous ne vous suiciderez pas." 

Marie Alvéry: "Après l'euphorie vient la dépression"

Diagnostiquée il y a quinze ans après 3 crises maniaques, Marie Alvéry, 47 ans, mariée à un homme "scientifique et rationnel, que j'ai pourtant convaincu plus d'une fois de mes délires", a vécu un certain nombre d'épisodes de paranoïa aiguë. Exemples. "J'ai réussi à persuader mes collègues que mon chef était un vrai pervers - j'ai dû m'en excuser par la suite. Deux ans après avoir subi un avortement thérapeutique à 7 mois et demi de grossesse, j'ai voulu faire revivre ce bébé et j'ai passé une nuit entière toute seule devant la tombe. Une autre fois, j'ai envoyé mes enfants chez le voisin d'à côté, persuadée que mon mari allait trucider la famille avec un piolet de montagne! 

 

Quand je suis dans cet état-là, la montée en puissance ne se fait pas d'un coup, cela prend une quinzaine de jours. Peu à peu, je ne me nourris plus, je dors de moins en moins (à peine 3 heures par nuit), je ressens une excitation terrible où je peux pleurer et rire en même temps. Je perds progressivement contact avec la réalité: j'ai beau avoir relativement conscience de ce qui arrive, je ne parviens pas à enrayer le processus.  

 

Je sais bien que la bipolarité est stigmatisée dans l'esprit du grand public. Et pourtant, on fait plus de mal à soi qu'aux autres. Car après l'euphorie due à une phase maniaque, il y a toujours un moment où survient la dépression: six mois, parfois un an à se sentir comme une serpillère. Heureusement, mon mari ne m'a jamais lâchée, il a vu que je me battais et pour cela, je lui en suis vraiment reconnaissante. 

Grégoire: "J'en parle librement"

"Je n'ai jamais ressenti de rejet ou de jugement de la part de mon entourage. En général, je présente ma maladie de façon assez détendue, j'en parle librement - plus facilement, par exemple, que de mon homosexualité. Même si, parfois, c'est un peu compliqué à gérer... Surtout quand je me lance dans ce grands projets et que, par la suite, mes amis me demandent où ça en est! Récemment, j'ai évoqué le fait d'aller jusqu'en Chine uniquement à pieds, sans autre moyen de transports. Puis j'ai réalisé que ce ne serait pas si simple de me balader dans certains pays avec autant de boites de médicaments. Du coup, j'hésite... 

 

Souvent, le premier signe de troubles, c'est la baisse de sommeil. Je me réveille avec une pêche d'enfer, il est 5 heures du matin mais je n'ai pas envie de me recoucher. Et ça, ça veut dire que la crise a commencé... Mon appétit baisse, mon activité sexuelle est décuplée, je deviens bavard, je multiplie les projets originaux, les jeux de mots - je peux être très drôle même! Pour toutes ces raisons, ces épisodes maniaques ne sont pas uniquement des moments douloureux. 

 

Pour autant, en période de dépression, j'ai des baisses de tonus, des idées noires. Il y a longtemps, j'ai d'ailleurs fait une tentative de suicide avec du lithium. J'en ai réchappé (trop d'alcool en même temps, et de sacrés vomissements!) mais, quelques années plus tard - j'étais alors infirmier - j'ai vu arriver en urgence à l'hôpital une femme qui avait également fait une TS. Elle s'est retrouvée en coma, ravagée neurologiquement. Je l'ai croisée quelques temps après, dans un service de rééducation au long cours, handicapée à vie. A l'époque, ça m'avait pas mal secoué. 

 

Côté traitements, je suis sous lithium depuis des années. Je j'ai jamais essayé autre chose, car ça ne me réussit pas trop mal. Je fais des examens sanguins tous les trois mois - au besoin mon médecin ajuste les doses. J'ai d'ailleurs réduit ma posologie, de deux fois par jour à une fois seulement le soir. Mon plus gros problème, ce sont les pertes de mémoire, même si je ne suis pas sûr que ce soit lié à ce médicament-là précisément. En tout cas, je ne m'imagine pas vivre sans. Les rares fois où j'ai essayé, je l'ai payé cher!"

 



08/11/2020
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